ENTRETIEN AVEC DENIS KESSLER, PDG DE SCOR – « Il faut multiplier les rencontres enseignants-entreprises »

Jeunesse et Entreprises a rencontré Denis Kessler, Président-directeur général de SCOR, qui a bien voulu développer de nombreuses idées sur l’emploi des jeunes.

Nous en présentons ci-après quelques extraits.

Propos recueillis par Jean-Marc Chabanas

 

« C’est l’entreprise qui connaît les compétences actuelles et futures dont l’appareil économique a besoin. Elle les anticipe mieux que les enseignants et que les pouvoirs publics, même si elle multiplie les occasions de rencontre. L’Ecole connaît a priori les méthodes pédagogiques (pour accumuler du savoir) et la structure des savoirs dans leur ensemble, avec leurs interdépendances. L’efficacité de l’enseignement se juge à sa capacité à assurer un débouché durable, et aussi rémunérateur que possible (un optimum) à ses élèves.  »

REVALORISER  LE MÉTIER D’ENSEIGNANT

«  La revalorisation du métier d’enseignant est au cœur des enjeux de l’Education. En matière d’éducation, il faut aussi et surtout privilégier les formations qui permettent d’acquérir des compétences et qui correspondent à une véritable demande des employeurs.

Ceci suppose aussi de réformer la formation, notamment la formation professionnelle, qui est l’un des grands échecs de la FrancePour cela, il faut introduire de la sélectivité dans les formations, ou a minima bien distinguer les formations qui n’ont pas vocation à donner accès à l’emploi et qui n’ont pas besoin d’être sélectives, des formations qui donnent accès à l’emploi et qui doivent être sélectives si elles veulent permettre une insertion efficace et optimale. 

L’échec actuel de l’enseignement met en lumière la qualité (décroissante) et l’adéquation (discutable) de l’éducation des jeunes en France, qui prohibe la sélection, ne valorise plus le goût des études et de l’effort. »


LA DÉGRINGOLADE DE LA FRANCE

« La France dégringole dans les classements internationaux,  estime Denis Kessler et tout particulièrement dans les matières où elle avait une tradition d’excellence. »

Selon le « Programme international pour le suivi des acquis des élèves » (PISA), établi par l’OCDE, en mathématiques, pour les jeunes de 15 ans, la France est passée du 13ème rang (sur 31)  en 2003 au 19ème rang (sur 35)  en 2015, c’est-à-dire dans la seconde moitié des pays de l’OCDE, avec un niveau tout juste au-dessus de la moyenne. En lecture, elle est passée du 13ème rang (sur 30) en 2000 au 16ème rang (sur 35) en 2015, avec un niveau un peu au-dessus de la moyenne.

En sciences, elle est restée au 21ème rang (sur 35) entre 2005 et 2015,  avec un niveau tout juste au-dessus de la moyenne.


RÉTABLIR LE GOÛT DE L’EFFORT

«  De leur côté, les parents d’élèves  doivent s’investir beaucoup plus qu’ils ne le font aujourd’hui dans la formation de leurs enfants, et soutenir les enseignants dans leur effort pour discipliner les jeunes à l’étude, à l’effort et à la sélection.

Enfin, les entreprises doivent  s’engager en faveur de l’apprentissage, de l’alternance et de la formation continue.

Ceci suppose, du côté des pouvoirs publics, de flexibiliser le marché du travail de façon à permettre de s’ajuster à l’offre et à la demande de compétences. »

 FORMER ET SÉLECTIONNER

«  De l’enseignement, les employeurs attendent de disposer d’étudiants bien formés, c’est-à-dire qui ont effectivement acquis les connaissances que sanctionne a priori leur diplôme. »

Nous sommes des héritiers qui dilapident le patrimoine qui nous a été transmis.


TROP DE DIPLÔMES

 « L’importance accordée aux diplômes est excessive en France, selon Denis Kessler. « Tout le monde n’a pas vocation à être diplômé. Un balayeur « diplômé » est en droit d’être frustré par rapport aux espoirs que la société et ses professeurs ont entretenu chez lui. Il y a un temps au-delà duquel rester sur les bancs de l’école n’apporte plus rien (et peut même détruire de la valeur).

« En moyenne, estime-t-il, une année supplémentaire d’étude n’apporte guère d’amélioration du salaire . L’optimum est déterminé par le « point de selle » où le coût social d’une année supplémentaire d’étude (qui inclut le vrai coût de l’enseignement et le coût de l’effort pour l’élève) est supérieur au rendement de cette année en termes de différentiel de rémunération. »


APPRENDRE SUR LE TAS

« En Allemagne, on compte 1,4 millions d’apprentis. L’effort de la France en matière d’apprentissage est trois fois moindre. Le taux d’embauche des alternants à l’issue de la formation se situe à 33% en France contre 66% en Allemagne.

Les « contrats de professionnalisation », autre volet de l’alternance, n’ont en outre pas les vertus pédagogiques de l’apprentissage (sachant que l’apprentissage français n’a lui-même pas les mêmes vertus que l’apprentissage allemand, qui est plus centré sur l’entreprise). L’alternant en contrat de professionnalisation n’apprend pas « sur le tas » mais sur les bancs des établissements d’éducation (il y apprend des matières académiques qui débouchent certes sur un diplôme mais qui ne sont pas d’application immédiate dans l’entreprise). »

 

 


Denis Kessler, diplômé d’HEC, Docteur d’État en sciences économiques, agrégé de sciences économiques, agrégé de sciences sociales et membre agrégé de l’Institut des Actuaires, a été Président de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), Directeur Général et membre du Comité exécutif du groupe AXA et Vice-Président Délégué du MEDEF. Il a rejoint le Groupe le 4 novembre 2002 en tant que Président et Directeur Général. En janvier 2016, il est élu à l’Académie des Sciences Morales et Politiques de l’Institut de France.


Avec un chiffre d’affaires supérieur à 14,8 milliards d’euros et un bilan de 43,2 milliards d’actifs en 2017, SCOR est le quatrième réassureur mondial.

La stratégie du Groupe s’appuie sur un modèle de développement structuré en trois entités : l’entité P&C (réassurance Dommages et Responsabilité), l’entité Vie (réassurance Vie) et l’entité de gestion d’actifs. Le Groupe rassemble plus de 2 800 collaborateurs dans le monde au travers de ses 38 implantations géographiques.

Pour plus d’informations : www.scor.com

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